15. Ne désespérons point…

Francoisbelpaire.com

Eh bien voilà, malgré nos efforts la dernière petite chevrette d’Esméralda n’a pas survécu. Nous l’avons vue faiblir d’heure en heure, jusqu’à ce qu’elle se laisse aller au troisième jour. Pourquoi nos chevreaux ne suvivent-ils pas? Nous avons bien essayé de comprendre. L’autopsie de la petite dernière, envoyée congelée par courrier express à la faculté vétérinaire à Saint-Hyacinthe, nous a produit un savant rapport plein de termes scientifiques, mais cela ne nous a rien appris sur les causes probables de nos problèmes de reproduction. Ça aura coûté le prix de deux chevreaux neufs, qu’on aurait pu acheter tout faits, écornés et sevrés, chez un éleveur plus compétent que nous. Peut-être conclurons-nous dans ce sens une prochaine fois. Pour le moment, nous n’abandonnons pas la partie. Faut dire qu’un accident de l’existence nous y a contraints… du moins le pensions nous.

C’était le printemps, les bêtes veulaient sortir, les deux petites mères venaient de vêler (ou devrait-on dire « de chevroter »?), la saison du rut était encore loin puisqu’elle se produit à l’automne normalement. Nous avons donc mis les deux femelles au pré en compagnie du bouc. C’était idyllique. Jusqu’à ce que Coco le bouc se souvienne de son antique parenté avec les satyres et se mette à manifester de très sérieuses assiduités auprès de ces dames. Auraient-elles déjà leurs chaleurs quand même? Comme nous voulions surtout éviter d’avoir des naissances au creux de l’hiver, nous décidions de remettre le bouc dans son enclos séparé, s’il n’était pas déjà trop tard. Mi-juin, plus cinq mois de gestation, ça nous aurait amenés à la mi-novembre, les premières neiges, le nordet, la misère…

L’avenir nous dira la suite.

Faute de chevreaux, nous avons acheté deux agneaux tout juste sevrés chez notre voisin Marc Mimeault, un dorset (Ernest) et un romanof (Boris), en vue de les engraisser pour l’automne. À l’heure qu’il est (novembre 2005), les deux sont entreposés dans le congélateur. On nous demande comment nous pouvons avoir le coeur de leur faire ça. Ce n’est pas très difficile: les moutons, ça a l’air cute, mais ça n’est pas du tout attachant, c’est très indépendant et ça ne démontre aucune affection à ses maîtres. Ça broute, c’est tout. Comme alternative à la tondeuse à gazon, c’est parfait. Et puis quand même, ça fait un peu de compagnie pour le bouc, qui regarde ses copines à travers les trous de la clôture. Et si nous n’avons pas de coeur, nous avons un bon estomac.

Boris et Ernest

La convalescence de Bubi

Bubi a eu un accident. Quand on l’emmène en ville, il panique et vlan! il va se jeter devant la première voiture venue. On le croyait mort. On l’emmène chez le vétérinaire, un de ces vétérinaires de ville qui vous offrent une qualité de médecine comme même les humains n’oseraient plus espérer. Ce n’est pas si grave. On le R-X, on l’anesthésie, on nous le retape avec un plâtre décoré de petits toutous qui sont sensés amuser les maîtres et ainsi mieux faire passer la facture. Comme dit ma douce France: nous avons maintenant un chien de grand prix!

Et puis nous avons eu cet été magnifique. L’été 2005, peut-être s’en souviendra-t-on comme le début du réchauffement de la planète, mais vu d’ici, dans la fraîcheur de la campagne, ce fut un été merveilleux, débordant généreusement sur l’automne. Ça s’est écoulé tout en douceur, avec le séjour des enfants et des petits-enfants, avec les amis, avec le symposium de peinture, le potager, les poulets, les gelées de raisins sauvages, les promenades dans les champs et les escapades en ville. La vraie vie!

Delphine a fait des tours de brouette.

Lolo a cueilli les cerises de son ceriser.

Philippe a monté Coco le bouc.

Et Juliette s’est laissée bercer par son grand-papa.


C’était la douce routine. Et puis je m’occupais à d’autres écritures, dont je vous reparlerai en temps opportun. C’est ce qui explique pourquoi vous n’avez pas eu de nouvelles d’Esméralda depuis le printemps.



Les citrouilles de la Maison Bleue

Pendant ce temps-là, Molly grossissait. Au mois d’août, ça devenait évident. Elle avait le bedon bien rond, avec une bosse de chaque côté, et même un peu plus du côté gauche. Il fallait se rendre à l’évidence: Molly était gestante. Les paris étaient ouverts: deux chevreaux, ou trois? À voir la bosse de gauche si proéminente, je penchais pour trois. On se mit à prendre bien soin de la petite mère. Elle reçut double ration de graines, et la vétérinaire recommandait une moulée spéciale plus riche en protéines, qu’il fallait aller chercher à Saint-Louis-de-Gonzague. La petite mère se laissait faire, prenait des airs langoureux et engraissait.

Comme le moment de la conception pouvait se situer quelque part entre la mi-avril et la mi-juin, la mise bas devait se faire entre la mi-septembre et la mi-novembre. Il y avait là de quoi entretenir tout un suspense! Les gens de bons conseils nous avaient dit qu’il fallait être présents quand ça se passerait. Pendant deux mois, nous sommes allés voir, anxieux, à toute heure du jour et quelquefois de la nuit, s’il y avait des signes annonciateurs. Le manuel d’élevage disait: lorsque le creux du dos s’amenuise… lorsqu’il y a des pertes… lorsque les tendons près de la queue relâchent… etc. Nous nous empressions de revenir de la ville quand nous y avions à faire. Nous l’avons observée, tâtée, auscultée… Mais elle prenait bien garde de ne pas nous laisser toucher son bedon. Après avoir engraissé jusqu’au mois d’août, sa taille sembla se stabiliser. Passa septembre, puis octobre. A la mi-novembre, toujours rien. On l’a isolée dans l’étable avec une litière de paille fraîche, on a préparé les instruments pour l’accouchement et la lampe infra-rouge pour réchauffer les petits.

Le temps passe. 150 jours, 155, 160! La durée normale de gestation est largement dépassée. L’attente se mue en frustration. La maudite bique, elle nous a bien eus! Elle en a tout simplement profité pour s’empiffrer, pour nous faire croire qu’elle mangeait pour deux, alors qu’elle reprenait simplement ses vieilles habitudes d’obèse comme à l’époque où elle est arrivée chez nous. Attends ma vieille, tu vas voir!

C’était simplement de l’obésité!

Nous remettons Coco le bouc avec les chèvres. La corrida! Tour à tour, Molly et Esméralda font l’objet de ses attentions. Comme ces dames ne sont pas prêtes, elles s’esquivent et Coco leur court après. Confirmant notre conclusion que Molly n’est pas en gestation, c’est elle qui attire davantage l’attention du mâle. Dans l’immédiat, elle en est quitte pour une bonne séance de jogging, ce qui démarre bien son régime d’amaigrissement.

L’affaire devrait suivre son cours naturel d’ici la fin du mois de décembre. Plus cinq mois de gestation, ça nous amène au joli mois de mai. Quel beau temps pour avoir des naissances!

Je vous en reparlerai!