10. C’est le printemps !

Francoisbelpaire.com

Depuis deux mois et demi, c’était le calme de l’hiver: rien à signaler qui eut valu la peine d’une chronique. Puis tout-à-coup, voilà le printemps et tout déboule. Trop de nouvelles. Pas le temps d’écrire. Tout de même, un petit résumé rapide pour que vous ne soyez pas complètement dépassés par les événements:

Vous n’y croyez peut-être pas, mais le printemps arrive. Les poules ont recommencé à pondre de beaux gros oeufs quotidiens. Les oies sont revenues se poser dans le champ derrière la maison. France a même observé un merle ce matin. Il se demandait où sont passés les vers de terre. On a vu roder le renard. (Attention, les poupoules!)



Des milliers d’oies des neiges

La semaine dernière, nous avons produit un litre et demi de sirop d’érable; à cause du froid, ça a arrêté de couler cette semaine, mais ça devrait reprendre bientôt.

Et Matante Robéa a eu ses agneaux mercredi. Trois d’un coup! C’était l’abondance. Mais c’était trop, elle n’a pas pu les nourrir et les garder au chaud. Deux sont morts ce matin, on espère sauver la petite dernière, qui avait pourtant l’air d’être la plus fragile.

Nous faisons notre cours pratique de vétérinaire

Robéa était énorme. On comprend pourquoi, maintenant. Ça poussait tellement par en-dedans qu’elle a fait un prolapsus vaginal. L’organe se trouve à être retourné comme une chaussette, et il a fallu lui installer un pessaire. Ou une « cuillère », comme les éleveurs l’appellent ici. Il s’agit d’un sorte de chausse-pied en plastique, qu’on introduit dans la cavité pour tout retenir en place, et qui se prolonge par deux tiges latérales qu’on fixe après une touffe de laine de la toison. Comme ça tenait plus ou moins, il a fallu improviser un harnais avec une vieille ceinture, pour assujettir davantage l’installation. (Non, je ne ferai pas de dessin.) On a bien fait ça, puisque ça a tenu jusqu’à la veille de l’agnelage. On en a profité aussi pour lui donner une injection intramusculaire de sélénium, en prévention de certaines maladies chez les agneaux.

Au moment de la mise bas, France était occupée en ville, pauvre elle, et il a fallu que je me débrouille tout seul. En revenant de prendre une marche jusqu’à la boîte postale au chemin public pour chercher mon « Gleaner/La source » hebdomadaire, je suis allé jeter un coup d’oeil aux bêtes: sous l’abri, Robéa contemplait fièrement son premier rejeton qui gisait, grelottant, sur le gravier. Je l’enveloppe vitement dans une serviette et l’emmène à l’intérieur dans l’étable, en essayant d’attirer la brebis à ma suite. Celle-ci ne comprend rien, croit que je veux l’éloigner de son petit et résiste de toutes ses forces. C’est lourd, une brebis, quand il faut la tirer sur une dizaine de mètres. J’y réussis et je ferme la porte de l’étable pour garder la chaleur en-dedans et les deux chèvres à l’extérieur. Le deuxième agneau, un petit mâle, naît sur la paille une bonne demi-heure plus tard. Il respire mal, il a fallu le « swinger » pour expulser les mucosités qui encombraient ses voies respiratoires. Une chance que j’avais bien potassé la procédure dans le « Storey’s guide… » avant, pour parer à toute éventualité. Et presque tout de suite il y en a un troisième, que je n’ai pas vu venir: j’ai failli marcher dessus! Deux femelles et un mâle, c’était plus qu’on n’en demandait.



Trois d’un coup !

Ce soir-là. la petite dernière semblait bien faible et grelottante. On l’a rentrée dans la maison, on l’a réchauffée, on lui a donne un biberon de similac et elle a passé une nuit paisible. Le lendemain, et malgré nos craintes, Robéa a accepté de la reprendre comme sa fille légitime. Les deux autres n’avaient pas chaud, et Robéa ne semblait pas fournir beaucoup de lait.

Appelé à la rescousse, Marc, notre gentil voisin éleveur de moutons est venu voir ça. Le pis semblait engorgé, mais on a pu en tirer une quantité de colostrum qu’on a mélangé au prochain biberon, équitablement réparti aux trois petits. Ce jour-là (c’était hier), tout semblait bien parti, les agneaux se tenaient debout et trouvaient le pis maternel. Nous croyions que la petite famille était sauvée.

Ce matin, la femelle première-née gisait morte et froide, le petit mâle n’en menait pas large et semblait souffrir d’hypothermie. On l’a rentré, on l’a baigné dans l’eau chaude, on l’a installé devant le foyer, on a tenté vainement de lui faire téter le biberon. Comme il perdait sa vitalité à vue d’oeil, on est allés chercher un tube de gavage chez le voisin. On a réussi à lui faire ingurgiter deux onces. il semblait même prendre du mieux. Et puis tout-à-coup, il a tout régurgité et c’était la fin.

Il reste la petite, celle qui semblait la plus faible, et qui va toujours bien à l’heure qu’il est. Robéa devrait avoir ce qu’il faut pour l’alimenter. Mais on suit la situation de près et on tient un biberon au frigo pour suppléer au besoin.

Et nous apprenons beaucoup de choses, sur la vie et aussi sur la mort.

Du côté d’Esméralda, c’est toujours le suspense… Elle est un peu ronde du bedon, mais rien n’est sûr encore. S’il y a des chevreaux, ce serait pour la mi-avril, je vous tiens au courant.