Ma chère Nicole,
Je t’envoie les remerciements d’Esméralda, avec sa photo, car elle est très heureuse que vous lui ayez donné une si belle campagne et de si bons maîtres.
Je suis sûr que tu as conservé les adresses électroniques de tous ceux qui ont trempé dans ce coup magnifique que vous nous avez joué, à Esméralda et moi, jeudi dernier; je te prie donc de bien vouloir leur faire suivre ce message (avec une copie à moi, de sorte que je dispose des adresses électroniques de tous pour vous tenir au courant des suites…)
J’en profite pour te dire combien j’ai été bouleversé par la merveilleuse fête surprise que vous m’avez faite à l’occasion de mon départ à la retraite. Je n’ai aucun doute que tu en étais l’instigatrice et l’organisatrice en chef! Le secret en avait été bien gardé, jusqu’à ce que mon patron Pierre m’impose, avec une autorité peu habituelle, d’assister cet après-midi même à une très ennuyeuse conférence sur la motivation au travail, dont je n’avais que faire, et que j’apprenne que le collègue Raymond avait été chargé de me suivre comme mon ombre pour éviter que je m’éclipse avant la fin de l’après-midi.
Encore que je ne m’attendais pas à ÇA !!!
D’abord, tout ce monde, et dans le tas: ma petite-fille Lolo qui rayonnait au milieu de la foule dans les bras de sa maman Julie… Ma fille Véronique et mon fils Nicolas, tenant la contrebasse dans un trio de jazz en pleine action… Ma bien-aimée France et ses grands enfants… Tous les amis-collègues et collègues-amis du service, présents et passés, et de quelques autres services de l’établissement… trop pour voir tout le monde! Ça m’a pris un bon moment pour remarquer la présence de Jacqueline M., qui n’a pourtant pas l’habitude de passer inaperçue!
Toutes ces paroles élogieuses et chaleureuses, et particulièrement les textes fort touchants de Monique (compagne de travail depuis tant d’années), de Pierre, d’Alain et de Raymond (depuis encore plus d’années, celui-là!)
Toutes ces images décorant les murs, que vous avez réussi à dérober en catimini dans les albums de photos (avec quelles complicités?) pour faire le lien entre les diverses facettes de moi et de ma présence auprès des uns et des autres. À ma propre surprise, vous avez réussi à brosser pour tous une grande synthèse de ma vie dans ses différentes sphères, personnelle, artistique et professionnelle. Réaction d’un de mes beaux-fils, habitué à des milieux de travail plus rudes: « C’est vraiment avec du monde fin que tu travailles! » – Sûr!
Et puis le clou de la soirée: une mystérieuse caisse sur roulettes qu’on amène jusqu’au milieu de la salle, et qui contient quoi? Devinez? Rien de moins qu’une magnifique chèvre bien vivante, grosse de deux chevreaux à naître dans un mois! Fallait le faire! Ça doit être une idée à Monique, ça. C’est vrai que je vous en parlais depuis quelque temps, moitié blaguant, moitié sérieux, qu’à ma retraite j’élèverais une chèvre ou un mouton pour me dispenser de la corvée de tondeuse à la maison de campagne. Et vous m’avez pris au mot. Ça m’apprendra.
Merci, merci à tous. Merci aussi pour le chapeau de voyage, pour les nombreuses plantes potagères et décoratives, pour le piquet destiné à attacher la chèvre, pour toutes les cartes de souhaits que je n’ai pas encore eu le temps de savourer à mon aise, merci pour votre présence aimante à tous.
Quand même, voici quelques nouvelles d’Esméralda. Quand on l’a vue sortir de sa caisse, en arrivant à la campagne, son élégance et sa prestance imposaient ce nom, en souvenir de la belle bohémienne du « Bossu de Notre-Dame » qui avait, comme tu le sais, un cabri célèbre. On aurait pu l’appeler Néfertiti aussi, puisqu’elle est de race nubienne, mais on réservera ce nom pour une de ses descendantes, attendues pour le mois d’août.
Nous avons filé vers la maison de campagne aussitôt le fête terminée, pour libérer la pauvre bête de la cohue et de sa caisse. Heureusement, l’ancien poulailler d’Arsène Charlebois, déjà converti en chenil par un autre ex-propriétaire, permettait de la recevoir de façon temporaire et elle s’y est vite sentie à l’aise. Depuis, je lui ai aménagé un autre enclos plus adéquat avec un râtelier à foin, sous l’abri en arrière de la forge. Elle y vit présentement, non loin des poules pondeuses qui lui font un peu de compagnie. Le seul problème, ça a été de la transférer d’un enclos à l’autre, une trentaine de mètres…: une vraie mule!
Esméralda est déjà bien attachée à nous, elle bêle comme une âme perdue quand on la quitte, et c’est bien réciproque. Voilà que nous sommes en charge d’une nouvelle vie de plus, sans compter les petits-enfants et les chevreaux à venir… Mais ceci sera sans doute l’essentiel de notre mission pour les années qui viennent, de prendre soin de la vie, tout doucement, sans rien forcer, tout en prenant soin de nous-mêmes par la même occasion, avec ma douce France qui a cela dans sa nature.
Je t’embrasse, ma chère Nicole, ainsi que tous ceux qui ont participé à ma vie au travail et à la fête de jeudi dernier.